Extrait de mon livre : « Les éléphants nous appellent à agir ou comment Pimbi, daman des arbres, a modifié ma vision de la vie », aux éditions Souffle d’Or
Chapitre 3 : la vie avec Pimbi
Nous nous demandions si le cri caractéristique des damans des arbres, qui est un cri assez effroyable qu’ils poussent tout au long de la nuit pour signaler leur présence aux autres damans, était quelque chose d’inné, ou d’acquis au contact des parents. Nous eûmes la réponse dès que Pimbi eût dépassé l’âge d’un an et commença à crier un soir dans notre chambre : c’était inné !
Il était vraiment incroyable qu’un son d’une telle force puisse sortir d’un si petit animal (le cri du daman des arbres est en effet encore plus sonore chez les mâles que chez les femelles). Ce son très particulier semble venir de deux animaux distincts, car il est composé de deux phases très différentes qui se succèdent, puis se superposent : un bruit de crécelle, puis un son comparable au gémissement de quelqu’un qui agonise et s’éteint peu à peu ! Ce cri est d’ailleurs parfois considéré dans certains endroits comme la manifestation des ancêtres disparus…
Nous avions entendu tous les soirs les cris des damans de notre propriété mais sans les voir faire, et là, nous pouvions à loisir le regarder de près. C’était assez terrifiant car de petit ourson attendrissant, il se transformait en une sorte de bête féroce retroussant ses lèvres supérieures, laissant apparaitre des incisives très longues et acérées, et expulsant un cri d’une puissance inouïe.
A mesure qu'il grandissait, Pimbi semblait de plus en plus exclusif avec moi. Il ne tolérait aucun homme et les agressait assez violemment, surtout notre guide Korir qu'il mordit même une fois au visage. Le pauvre était humilié et dépité ! La plupart du temps, il tapait du pied en avançant et en reculant, un peu à la façon des lapins, tout en poussant des cris de guerre avant de les attaquer !
La plupart de nos éco-volontaires hommes avaient droit à ce traitement, tout comme les membres de notre famille du sexe masculin.
Avec les femmes, il était plus clément, sauf quand elles avaient des comportements plus masculins ou quelque chose qui ne lui revenait pas. Ce fut le cas d'une amie vétérinaire qui avait tenté de le garder alors que nous étions partis à la mer pour quelques jours, et qui fut attaquée sans ménagement au même titre qu'un homme.
Une seule autre femme trouvait vraiment grâce à ses yeux, notre femme de chambre Esther, qui venait d'avoir un bébé et bénéficiait probablement d'un taux de progestérone qui la rendait plus zen et plus acceptable selon ses critères. Elle s'en occupait en notre absence, le transportait dans son enclos et tout comme certains autres membres de notre staff kenyan l'appelait Pimbinou ! Il est toujours très amusant pour nous d'entendre nos employés prononcer des mots français ou francisés en nous imitant. Ainsi, ils appellent parfois notre chat Mwitu « Mwitunet » (Mwitu est en fait mot swahili qui signifie sauvage).
Je venais souvent voir Pimbi et passer de longs moments de tendresse avec lui. Nous avions de nombreux rituels tout au long de la journée et je me rendais compte à quel point le contact affectif et même physique avec lui était devenu important pour moi. Pimbi est certainement l’être à qui j'ai dit le plus je t'aime, avec mon cheval Aliocha, je le confesse…Désolée pour les malheureux humains qui partagent, ou ont partagé ma vie !
Lorsque des personnes me disaient que je faisais un transfert parce que je n'avais pas eu d'enfant, je répondais à ces poncifs et lieux communs désolants que cela a toujours été un choix de vie pour moi de ne pas avoir d'enfant, que je les aime énormément, mais que j'ai toujours su que ma vie serait dédiée en priorité aux animaux.
Par ailleurs, depuis notre arrivée au Kenya, Erick et moi aidons les enfants d'une petite école maternelle qui compte une trentaine de bambins de trois à six ans. Pour plaisanter, nous disons souvent que nous avons aussi nos employés qui sont de grands enfants et nous considèrent comme leurs parents depuis le début. C'est d'ailleurs notre employé le plus âgé, Benjamin, qui nous a dit cela un jour, alors qu'il est plus vieux que nous !
Je suis rarement malade, mais il m'est arrivé d’être clouée au lit pendant une semaine suite à une infection pulmonaire. Pimbi est resté couché le long de mon bras, collé à moi tous les jours jusqu’à ce que je puisse me lever. Il était d'un grand soutien psychologique, mais aussi me transmettait sa belle énergie de petit animal sauvage. Je mesurais chaque jour la puissance de notre lien, il me donnait le courage et l'envie de tout affronter.
J'avais pourtant connu des liens très forts déjà avec les gorilles et les chimpanzés dont nous nous étions occupés pendant un an avec Erick au Gabon ; notamment Ebėa, bébé chimpanzé qui dormait avec nous, Eliwa, bébé gorille recueillie très jeune elle aussi, Cessé, jeune gorille très attachant avec lequel nous jouions beaucoup, Nzigou, petit chimpanzé très sensible et qui avait beaucoup souffert ; ou encore Tarzan, Biscotte et Chamaï, qui étaient un peu plus âgés, mais encore dépendants de nous.
Mais avec Pimbi, il y avait quelque chose de spécial, de très fort et d'inconditionnel, que je n'ai pu identifier comme étant un lien karmique que plus tard, grâce aux communications et connexions avec les plans supérieurs effectuées suite à son décès.